Un décret concernant les intermittents

Démarré par imago, 05 Mai, 2009, 16:25:46 PM

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imago

Est paru récemment un décret concernant le "Régime dérogatoire en droit du travail pour le secteur du spectacle vivant et enregistré" et, notamment, des précisions concernant le contrat de travail.

http://www.net-iris.fr/veille-juridique/actualite/22186/regime-derogatoire-en-droit-du-travail-pour-le-secteur-du-spectacle-vivant-et-enregistre.php

En l'ayant rapidement parcouru, je me suis demandé deux choses: il semblerait d'après ce texte qu'un intermittent puisse donc refuser les dates et heures que lui proposerait l'employeur, ai-je bien lu???

Que cache ce décret car je me méfie comme de la peste des man½uvres législatives de la bande de tordus qui nous sert de gouvernants? Quelqu'un a-t-il assez de connaissance juridico-sociale pour y analyser les sous-entendus?

viviane

#1
Tu fais bien de te méfier. Si on regarde le décret, ça donne:

Citation« Travail intermittent
« Art.D. 3123-4.-En application de l'article L. 3123-35, est inscrit sur la liste des secteurs dans lesquels la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision, dans le contrat de travail intermittent, les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes le secteur du spectacle vivant et enregistré. »

En fait,  ça veut dire surtout que l'employeur n'est pas obligé de définir avec précision les heures de travail dans le contrat de travail.

Les seules limites aux abus des employeurs seront donc celles fixées par les CC... si elles en fixent.
Par exemple, certaines CC prévoient un délai de prévenance, c'est à dire que l'employeur doit donner X temps à l'avance à l'employé ses heures de travail. Sinon, il peut refuser le travail sans être en faute. Mais certaines CC ne le prévoient pas, ce délai de prévenance. ET là...

Mais ce décret ne concerne pas les intermittents "classiques", c'est çà dire qui ont une succession de CDD d'usage. Ni les gens du spectacle en CDI classique.

Il s'adresse aux CDII c'est à dire les "Contrats de travail Intermittents à durée Indéterminée".

C'est un truc sorti y'a pas longtemps, calqué sur un statut qui existe depuis très longtemps pour les enquêteurs de boites de sondage (Et Parisot dirige une boîte de sondages...): t'es en CDI, mais tu travailles par intermittence...


Voir ici sur Légiculture:  Embauche d’artistes en contrat à durée indéterminée intermittent et convention collective de l’animation
Citationles CDII sont des contrats à durée indéterminée. Il s’agit de contrats particuliers pouvant être conclus pour certains emplois permanents comportant une alternance de périodes travaillées et non travaillées. (...)
En outre, ces CDII correspondent à des emplois permanents ; une personne embauchée dans ce cadre ne peut pas bénéficier du régime assurance chômage de l’intermittence du spectacle.

Pour la CC de l'animation, un artiste ne peut pas être en CDII, mais je crois qu'il y des CC  où c'est possible.

imago

Merci Viviane pour ces précieuses précisions.

Mais, du coup, je m'inquiète un peu. Le fait d'intégrer les intermittents du spectacle à ce type de dispositif ne veut-il pas dire qu'à court ou moyen terme on pourra nous obliger d'accepter ce type de contrat de travail pour des périodes "estimées" à la louche et que, ipso facto, plus de droits au chômage?

viviane

J'ai lu le texte y'a un moment et je le retrouve pas. Tel qu'il est actuellement, c'est pas possible.

Mais oui, à mon avis, c'est le but à moyen ou long terme...

imago

Car, si on veut vraiment être vicieux, on peux imaginer qu'ils décident qu'un spectacle ou tout autre projet identifié par le numéro d'objet (tiens, voilà un truc qui deviendrait bien pratique alors...) serait considéré comme une "mission" que l'artiste accepte et que, du coup, cela pourrait être reconsidéré comme un cdii et fini l'intermittence sauf pour d'éventuels remplaçants occasionnels.
Oups!!! Il ne faudrait pas leur donner de mauvaises idées!

viviane

Ils ont pas besoin qu'on les leur donne, les mauvaises idées...

Le seul frein à ce CDII, c'est que c'est un CDI, et que, par conséquent, c'est plus dur pour le patron de te virer qu'avec un CDD...

Après, si Parisot arrive, comme elle souhaite depuis longtemps, à vider de son sens le code du travail, et à rendre les licenciements aussi faciles que dans certains pays, le CDII sera l'arme idéale pour réduire le nombre de chômeurs...

Ankaa

#6
CitationEn l'ayant rapidement parcouru, je me suis demandé deux choses: il semblerait d'après ce texte qu'un intermittent puisse donc refuser les dates et heures que lui proposerait l'employeur, ai-je bien lu???

Je vois les choses ainsi également. De mon point de vue, le salarié potentiel pourrait être en droit de refuser un contrat auprès d'un employeur, si l'employeur n'est pas en mesure de fixer avec précision le planning d'un salarié embauché de manière permanente en CDI, comme expliqué ici :

CitationRappelons que le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Il s'agit d'un contrat écrit qui mentionne notamment : la qualification du salarié ; les éléments de la rémunération ; la durée annuelle minimale de travail du salarié ; les périodes de travail ; et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.

le salarié sera en droit de refuser le contrat.

Cela ne s'applique donc pas, selon moi, aux CDD d'usage, mais plutôt aux emplois de type permanent (genre, administrateurs  ou ingés son-titulaires en studio, par exemple), qui sont en contrat à l'année avec des périodes où ils bossent et d'autres non, en fonction des besoins de l'employeur.

Citationdes contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents,

J'imagine que cela est fait pour que le salarié ne soit pas "coincé" auprès de son employeur en étant sous contrat, alors que l'employeur ne lui fournit pas de travail. L'idée étant que le salarié puisse avoir la possibilité de bosser par ailleurs, donc cotiser, donc gagner des sous, relance économique, bref, le blahblah habituel, quoi.


Edit : Quant aux CC, il faut considérer deux sortes : celles qui prévoient cet "aménagement" du temps de travail et celles qui ne le prévoient pas.
C'est la première catégorie qui est visée par ce décret.

CitationDans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
Dans les entreprises appliquant cette CC, les salariés pourront refuser le contrat.

Dans les autres, vu que cette disposition n'existe pas, c'est le droit commun qui s'applique, à savoir, pas de possibilité de contrat de travail permanent avec mise à disposition du salarié en fonction des besoins de l'employeur. En d'autres termes, obligation de contrat de travail avec périodes et horaires fixes, même s'il n'y a pas de taff. En l'espèce, ces employeurs ne sont donc pas concernés par la disposition de ce décret.


viviane

Et le point de vue de la CGT spectacle sur ce CDII. Avant la signature si je comprends bien, puisqu'ils parlent des "propositions employeurs".
Mais j'ai pas trouvé la date sur le doc, donc...

http://www.spectaclecgtpaca.free.fr/spip/IMG/pdf/Info_Conv_Collectives.pdf